Dans le sillage
des Vikings

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A furore normannorum, libera nos, domine.


>> Aux Orcades


Bien que les Vikings (essentiellement norvégiens ou danois) aient participé activement et parfois brutalement à l'histoire de l'Ecosse et de la Grande-Bretagne toute entière, nous commençons à croiser leurs traces à partir des îles Orcades.
Les Norvégiens du milieu du Moyen Age étendirent leur influence sur le nord et l'ouest de l'Ecosse actuelle, jusqu'à l'île de Man et Dublin.
Les Hébrides furent sous domination norvégienne jusqu'en 1266, alors que les Orcades et les Shetland le furent du IXème au XVème siècle. Les Scandinaves (Norvégiens puis Danois) y prirent la suite des Pictes, le peuple dominant jusqu'alors le nord de l'Ecosse, qui était à l'époque un territoire habité par différentes peuplades (Gaëls et Scots qui venaient d'Irlande, Angles, Bretons). Les deux archipels furent pendant cette période de culture et de langue nordiques. Les Orcades en particulier étaient le comté scandinave le plus puissant d'Ecosse, dont le siège était basé au fort (« brough ») de Birsay, un îlot relié par l'estran à Mainland, l'île principale. Orcades et Shetland furent rattachées à l'Ecosse en 1468, comme dot de Margaret de Danemark.
Le « norn », dérivé de l'ancien norrois des Norvégiens et de tous les peuples scandinaves de l'époque, y fut parlé jusqu'au XVIIIème siècle.

La première marque des Vikings que nous croisons n'est pas difficile à dénicher: il s'agit de la somptueuse cathédrale de Kirkwall, bâtie durant cette période en l'honneur de St Magnus, un des personnages de la « Saga des Orcadiens ». Le comte (les scandinaves disaient « Jarl ») Magnus hérita du comté norvégien des Orcades avec la co-régence de son cousin Haakon Paulson. Les deux cousins luttèrent pour le pouvoir. En 1116, ils envisagèrent une approche de paix et décidèrent de se rencontrer sur l'île d'Egilsay. Il était convenu que chaque partie devait se munir d'un seul bateau et d'une trentaine d'hommes. Haakon arriva en second avec une flotte de huit bateaux et environ 300 hommes. Magnus demanda grâce, ce qui ne lui fut pas accordé. Haakon ordonna à son cuisinier de pourvoir à l'assassinat. Ce dernier exécuta la sentence contre son gré, mais fut pardonné par Magnus juste avant le coup de hache fatal. Magnus fut par la suite sanctifié, et son neveu Rognvald Kolsson, qui reçut plus tard le comté, lança la construction de la cathédrale St Magnus. Elle fit partie de l'archevêché norvégien de Trondheim jusqu'en 1468. Nous y admirons l'architecture intérieure, mélange des styles roman ou normand et gothique primitif, avec des piliers normands sévères et massifs dont l'un d'eux abrite les restes de notre infortuné Magnus.
La cathédrale de Kirkwall


L'imposante cathédrale St Magnus à Kirkwall.


Nous découvrons les caractères runiques de l'ancien norrois des Vikings sur une pierre gravée au musée de Kirkwall, trouvée dans un tumulus d'une époque plus ancienne.

On n'a pas retrouvé trace de ville scandinave aux Orcades. On pense que des marchés s'ouvraient sur les plages lors du passage des bateaux, de la même façon que cela se pratiquait sur les côtes occidentales de Norvège. L'excellent abri naturel qu'est Pierowall sur l'île de Westray (où La Volta II s'est amarrée) pourrait être le lieu de l'un de ces marchés.
Du côté de Tuquoy sur cette même île, nous découvrons lors d'une marche côtière les restes bien conservés d'une petite église médiévale, bâtie par Haflidi de Tuquoy, l'un des alliés de Rognvald, qui devint l'un des personnages importants des Orcades.
L'église de Tuquoy Le mur le plus ancien

La petite église au sud de Westray, bâtie à l'époque viking.



>> Aux Shetland


Aux îles Shetland est encore parlé un dialecte issu d'une dégénérescence de l'ancien norn, transformé par le gaélique et surtout par l'anglais. Aux Orcades et encore plus aux Shetland, les noms des lieux ou d'animaux et les termes maritimes sont d'origine scandinave. Ainsi le « röst » (ou « roost », si bien décrit par Stevenson dans sa nouvelle « Les gais lurons » - « The Merrymen »), « tidal race » disent les Anglais, indique une zone de mer hachée (nous dirions « clapot ») sous l'influence des courants de marée, phénomène accentué par une pointe ou un goulet, et par le vent. Ainsi « voe » (prononcer « vo » en traînant sur le « o ») est-il un bras de mer plus ou moins abrité. Les Ecossais diraient « loch » (prononcer le « ch » comme en allemand), les Norvégiens « fjord ».
Les Shetlandais revendiquent leur passé scandinave et leur drapeau, créé en 1969, est aux couleurs de l'Ecosse mais la forme de la croix blanche sur fond bleu est celle des drapeaux scandinaves.
Au mois de janvier a lieu une grande fête viking, le « Up-Helly-Aa », au cours de laquelle un « jarl » est nommé pour un an par ses prédécesseurs selon certains critères, en particulier le costume de ses hommes. Le « jarl » prend alors le nom scandinave de l'un des nombreux héros de l'histoire viking. Pour faire bonne mesure, un drakkar est brûlé dans un grand feu de joie. A Lerwick, un petit musée retrace l'histoire de cette fête.

Nous débarquons pour la première fois aux Shetland non loin de la pointe sud, près de laquelle s'étend l'étonnant site archéologique de Jarlshof, qui couvre de nombreuses périodes depuis le néolithique jusqu'à la prise de possession par l'Ecosse, en passant par l'époque viking. On peut y voir en particulier les fondations d'un riche hameau viking, avec la typique maison longue qui appartenait probablement à une famille mais servait de salle commune à toute la communauté. Suite à la prise de possession par le roi d'Ecosse, ce dernier encouragea ses nobles à s'installer sur l'archipel. C'est ce que fit le tristement célèbre Patrick, qui sans vergogne se fit bâtir de riches demeures par les pauvres paysans des environs, en leur donnant à peine de quoi boire et manger. Ainsi fut édifié un premier petit château à Jarlshof, puis un second plus fastueux à Scalloway.
Jarlshof


La maison longue traditionnelle des Vikings à Jarlshof.


La petite île de Papa Stour est la source du plus vieux document écrit trouvé aux Shetland. Il date de 1299 et traite d'un problème de corruption. Thorvald Thoresson fut en effet accusé par une femme de l'île de prélever trop d'impôts. Probablement sa requête fut faite dans la maison luxueuse (pour l'époque) dont les pierres gisent encore non loin de la route. Plus loin, dans un champ, on peut encore voir une série de pierres ébauchant un cercle. Il s'agissait du lieu de l'assemblée locale ou « Ting » (ou encore « Thing ». Lors de ces fameuses assemblées nordiques se traitaient périodiquement les problèmes législatifs et juridiques). On dit que l'accusé Thorvald Thoresson provoqua et gagna un duel dans ce cercle.
Papa Stour


Le siège de l'ancien "Ting" de l'île de Papa Stour.


Aux Shetland, nous avisons un peu partout, sur les plages ou au mouillage, des barques en bois de construction à clins, à la proue et la poupe fièrement relevées: encore un héritage des Vikings, que nous retrouverons partout aux îles Féroé.

Barque traditionnelle


>> Aux Féroé


Nous voici en plein pays Viking! Leurs descendants et descendantes sont souvent blonds aux yeux clairs, bien bâtis et au visage harmonieux. Lors de notre passage, de nombreux équipages s'entraînent à l'aviron sur leur barques en vue de la fête nationale de juillet, même dans les fjords les plus reculés et quelles que soient les conditions atmosphériques. Le barreur pousse des cris gutturaux et les rameurs en maillot de corps s'arrachent dans des accélérations impressionnantes. Les vagues bien formées de leur sillage secouent La Volta II amarrée à un quai non loin de là.

Bruno part au sud de l'île de Streymoy sur le site de Kirkjubour, siège du plus important centre de peuplement viking du Moyen Age, culturel et religieux. Le premier conquérant, qui chassa quelques ermites irlandais, fut Grimur Kamban. Les Norvégiens arrivèrent avant l'an 800 car on y a retrouvé une pierre runique de cette époque. Le site fut probablement choisi pour l'abondance de bois flotté apporté par les courants (l'archipel est quasiment dépourvu d'arbres) et d'algues servant d'engrais pour les sols peu fertiles de ces îles.
Durant le Moyen Age, on trouvait ici environ 50 maisons, 200 vaches et 5000 moutons. Au XVème siècle, une terrible tempête détruisit la plupart des bâtiments. Aujourd'hui, il n'y a plus que quelques maisons, mais un mur de la toute première église, dédiée à Marie et bâtie par Gaesa, fille de Torhallur le fermier, est toujours là, le reste ayant dégringolé dans la mer. A côté se trouve l'église actuelle de Saint Olav, qui date de 1111 et est la plus vieille de l'archipel, régulièrement restaurée. Les premiers évêques des Féroé s'installèrent ici autour de l'an 1100. L'évêché fut rattaché à l'archevêché de Nidaros (Trondheim), comme ceux de toutes les terres du Groenland aux Orcades. On peut voir au musée de Torshavn la magnificence des statues en bois sculpté (rapatriées, après négociations, du musée de Copenhague) qui ornaient leur demeure. Cette demeure existe encore aujourd'hui à Kirkjubour et est l'une des plus vielles maisons de bois au monde!
Le bâtiment le plus spectaculaire du site est la cathédrale de Magnus fondée par l'évêque Erlend (1269-1308), qui ne fut jamais terminée faute de moyens. Les murs massifs sont encore là et les ouvertures sont de style gothique.


Le site de Kirkjubour de nos jours.

Kirkjubour


>> En Islande


Lorsque nous arrivons dans le Breidafjordur, sur la côte ouest, nous entrons dans une région chargée d'histoire. Ce « fjord » est large et profond. Il forme une vaste baie dont les côtes sont découpées en fjords secondaires. A Skard, nous sympathisons avec le descendant direct du premier colon installé en ce lieu, qui se nommait Geimundr Peau-d'Enfer. Parmi la vague de Vikings qui peuplèrent l'Islande au IXème siècle, Aud à l'Esprit profond fut la première femme colonisatrice, dans le Hvammsfjordur.
C'est sur les rives de ce même fjord, dont La Volta II longe l'entrée, que s'installa Eric le Rouge et naquit son fils Leif le Chanceux. Eric, banni d'Islande, partit coloniser le Groenland. Son fils navigua jusqu'au Vinland, qui se situe probablement du côté de Terre-Neuve. Il est considéré comme le découvreur de l'Amérique, 500 ans avant Christophe Colomb.
Les célèbres personnages de la « Saga des gens du Val-au-Saumon » évoluent sur les rives du Breidafjordur: la « plus belle femme d'Islande » Gudrun Osvifsdottir, fière islandaise des temps païens, et ses nombreux prétendants. L'un de ses propos est resté proverbial en Islande: « J'ai été la plus mauvaise pour celui que j'aimais le plus ».

Les musées de Reykjavik recèlent de nombreux objets de l'époque viking. Nous y admirons aussi les remarquables manuscrits médiévaux des sagas.


Le Flateyjarbok, manuscrit médiéval qui vient de l'île de Flatey dans le Breidafjordur, contient de nombreuses sagas, dont l'unique exemplaire de la « Saga des Groenlandais ».

Le Flateyjarbok

Non loin de la capitale, nous allons visiter le site historique le plus fameux d'Islande: Thingvellir. Au premiers siècles de l'histoire islandaise, il n'y avait pas de souverain unique. La société était dirigée par des chefs locaux ou godar. Ceux-ci commencèrent à tenir des parlements régionaux, selon la tradition scandinave. Avec l'augmentation de la population, un parlement national, appelé « Althing », fut créé dès l'an 930. Les sessions se déroulaient en plein air, sur ce site grandiose et merveilleusement choisi: nous sommes sur une faille du rift medio-atlantique. L'Althing s'est tenu à Thingvellir jusqu'en 1798.
Thingvellir


Le site de Thingvellir: Almannagja (la « gorge du peuple ») et la rivière Oxara.


« Ils n'ont pas de roi, seulement la loi. »
(Adam de Brême)

La nature imposante et parfois dévastatrice de l'Islande offre décidément un bien beau décor, où a vécu un remarquable petit peuple, qui a engendré l'une des plus belles et des plus riches littératures de l'occident médiéval. Peut-être cette île est-elle le plus beau fleuron de la prestigieuse histoire des Vikings.


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